0216 LAmour Ne Vit Plus Ici.
Pendant la balade à cheval, en milieu daprès-midi, il fait très chaud. Et nous navons plus deau, ni Jérém, ni moi. Ni même Charlène.
« Et il nous reste au moins deux heures avant darriver chez moi » fait cette dernière.
« On aurait dû prendre davantage deau » regrette Jérém.
« Cétait pas prévu quil fasse si chaud » fait Charlène, avant denchaîner « et en plus jai limpression quUnico boîte ».
« Cest pas quune impression. Ca fait un petit moment que je le sens sensible des pieds ».
Et, ce disant, mon bobrun descend illico de son étalon, il lui att le pied et regarde à lintérieur du sabot.
« Y a un clou du ferrage qui est en train de se barrer. Il faudrait le déferrer ».
« Tiens, jai une idée. On arrive à la ferme de Florian. On va se faire payer un coup à boire et se faire prêter des outils pour le déferrer
».
« Florian, lex de Loïc ? » je demande.
« Cest ça. Cétait un cavalier lui aussi, avant la rupture avec Loïc, il y a un an
non, deux ans déjà, le temps file si vite. En plus, ça me fera plaisir de lui faire un petit coucou, ça fait un moment que je ne lai pas vu. ».
Dans mon for intérieur, je suis curieux de rencontrer ce Florian. Dès que jen ai entendu parler par Charlène et Martine, jai eu de lempathie pour ce gars qui a vécu une séparation difficile. Je ne le connais pas, et pourtant jai envie de voir comment un homo sassume à lâge adulte, jai envie de voir comment on se reconstruit après une rupture. Jai aussi envie de savoir à quoi il ressemble. Et quel genre de mec il peut bien être.
Sur notre droite, un grand pré en pente clôturé enferme un troupeau de brebis à la laine bien blanche. Le petits herbivores sont en train de pacager paisiblement en plein soleil.
Et alors que nous approchons de la maison aux volets bleus, deux labradors, lun sable, lautre noir, déboulent à notre rencontre. Le noir aboie de façon insistante, son jappement est sonore et retentissant.
« On va se faire bouffer » je commente.
« Mais non, ils sont sages comme des images » fait Charlène « Gaston, Illan, cest moi
».
Pour toute réponse, le labrador noir aboie un peu plus fort encore, le corps massif tout tendu, le poil brillant hérissé autour de lencolure, comme sil se préparait à attaquer.
« Et pourtant, il y eut une période où lon se voyait très souvent » elle continue, sur un ton empreint dune sorte de nostalgie « ce qui est chiant, quand un couple damis se sépare, cest de devoir en quelque sorte choisir lequel on va continuer à fréquenter. Allez, les toutous, du calme ! ».
Les mots de notre « guide » semblent apaiser les deux labradors. En effet, après quelques derniers aboiements insistants, les deux gros toutous se contentent de nous escorter jusque dans la cour de la ferme.
Un mec dune trentaine dannées vient de se pointer sur le seuil de la maison, alors quune musique vive séchappe de la porte ouverte. Le type nous regarde, en utilisant sa main comme dun parasol pour se protéger du soleil. Le mec est grand, un peu enrobé, châtain, les cheveux frisés. Il est habillé dun vieux t-shirt rouge délavé et dun short coupé dans un jeans qui a fait son temps.
« Charlène ! » je lentends sexclamer, la voix joyeuse, et avec un grand sourire lorsquil réalise quil sagît de son ancienne copine « du cheval ».
Cette dernière descend de sa monture, passe les rênes à Jérém, et sempresse daller lui claquer la bise.
Jérém et moi regagnons le sol à notre tour et Charlène fait les présentations.
« Florian, voici Jérémie et Nicolas
».
« Mais on sest déjà vu, non, Jérémie ? » fait Florian.
« Oui, je crois ».
« Jérémie nest pas venu souvent nous voir ces dernières années, mais cest un cavalier, et un bon cavalier. Nicolas, cest un ami à lui, qui est venu sessayer à léquitation ».
« Je me disais bien que ta tête ne métait pas inconnue » fait Florian « jai du mal à me souvenir des nanas, mais je noublie jamais un beau mec ».
Jérém sourit, il a lair flatté. Quest-ce quil aime quand on lui dit quil est beau !
Pfffff ! Florian aussi est sous le charme de mon bobrun. Loïc, Sylvain, Florian. Tout gay est attiré par mon bobrun. Mais en même temps, comment ça pourrait en être autrement ? Pour quun homo ne soit pas sensible au charme de mon Jérém, il faudrait juste quil ne soit pas homo ! Et encore, même en étant hétéro, et en côtoyant un mec comme lui, je ne sais pas comment à un moment ou à un autre on pourrait ne pas se dire « ce gars est beau à tomber, il me fait de leffet », « sil y a un mec avec qui je pourrais tenter un truc, cest bien lui ».
Et quand je pense quen plus de plaire aux gays, Jérém est également du genre charmeur, qui aime être admiré, désiré tous azimuts : je me dis que jai vraiment vraiment vraiment du souci à me faire pour Paris. Et à plus forte raison maintenant quil commence à assumer son attirance pour les mecs, maintenant quil a découvert et bien apprécié le plaisir entre mecs.
« Et de moi, tu te souviens, espèce de goujat ? » fait Charlène.
« Tes qui, toi ? » se marre Florian.
« Celle qui va te mettre une bonne fessée ! ».
« Ça me fait plaisir de te voir ».
« Moi aussi. Tu nous manques à lasso de cavaliers ».
« Vous aussi vous me manquez
enfin, certains plus que dautres ! ».
Charlène éclate dans un rire sonore.
« Je veux bien te croire ».
« Je vois que tas toujours la pêche, et que tu montes toujours, ça me fait plaisir ».
« Je monterai jusquà que je tiendrai debout. Toi, en revanche, tas arrêté le cheval ».
« Oui ! Et je ne men porte pas plus mal ! ».
« Ce nétait pas vraiment ton truc ».
« Non, jai toujours eu peur à cheval. Je crois que pour ne pas avoir peur, il faut commencer quand on est très jeunes et inconscients. Moi jai commencé à monter à trente ans. Et dès la première fois, je nai jamais cessé de me demander quand je tomberais. Et je suis tombé plus que mon dû ».
« Si ce nest pas une passion, il vaut mieux ne pas se forcer ».
« Je montais surtout pour lui faire plaisir, pour partager quelque chose à deux. Mais ça na pas suffi ».
« Tu as fait tellement defforts pour sauver ton couple. Hélas, parfois les choses nous échappent des mains et il ny a rien à faire ».
« Cest ça, merde au passé ! Alors quel bon vent tamène ? ».
« On a fait la grande boucle dans la forêt et on est à court deau. En plus, le cheval de Jérémie est en train de déferrer. Alors on se demandait si tu pouvais nous donner de leau et nous filer une pince pour sortir les clous qui restent et enlever le fer ».
« Mais avec plaisir. Viens voir à latelier, si tu trouves ton bonheur » fait Florian à lintention de mon bobrun.
Jérém le suit à latelier. Les deux gars se postent devant un panneau mural garni dustensiles de toute sorte, clefs, pinces, marteaux. Mon bobrun de dos, sa plastique moulée dans le coton gris marqué par une trace de transpiration le long de la colonne vertébrale, il est juste sexy à se damner. Au gré des mouvements, les épaules, puis les avant-bras se frôlent. Pendant une fraction de seconde jai limpression que Florian cherche délibérément le contact physique avec mon bobrun.
« Prends ce que tas besoin » fait ce dernier, tout en regardant avec insistance mon Jérém en train de choisir et de décrocher les outils, en matant ses pecs et ses biceps moulés dans le coton gris humide.
Putain, quest-ce quil porte bien ce t-shirt moulant !
« Je crois que jai tout ce quil me faut, merci ».
Jérém revient vers son cheval, suivi par Florian qui ne se prive pas de mater sa face B. Un beau dos et un beau cul pareil, on ne peut pas les laisser passer sans essayer de sen graver limage dans la rétine.
Jérém reprend le pied dUnico et tente dextraire les clous, non sans effort. Après une première réticence, Unico se laisse faire bravement.
« Tu as besoin dun coup de main ? » je lui demande.
« Non, ça va aller. Mais ça va prendre un certain temps ».
« Tes sur que tas besoin de rien ? » insiste Charlène.
« Merci, cest une affaire entre lui et moi » il plaisante.
« On te laisse faire, alors. Nous on va boire un coup » fait Florian.
« Oui, merci ».
« Venez donc à lintérieur, jai même de la pastèque au frais ».
« Ce nest vraiment pas de refus ».
Au fur et à mesure que nous approchons de la maison, la musique menveloppe un peu plus à chaque pas, les décibels me happent, me font vibrer. Et lorsque nous passons la porte dentrée, je suis instantanément plongé dans un univers sonore saisissant.
Dans un angle du séjour trône une grande chaîne hi-fi, surmontée dune platine vinyle massive. Un disque 33 tours tourne dune allure paisible et régulière, alors que deux grandes enceintes à chaque coin de la pièce envoient « du pâté », délivrant le son qui arrive à mes oreilles, dans ma chair, dans mes tripes.
Florian sempresse de baisser le volume sans pour autant arrêter le disque.
« Ici je nai pas de voisins » il nous explique « alors, depuis que je suis seul, je ne me gêne pas pour mettre la musique à fond ».
« Cest ça qui est bon quand on est seuls, cest quon fait ce quon veut » commente Charlène.
Je suis aimanté par le mouvement hypnotique de la galette sur la platine, si loin de la frénésie de rotation dun cd, je suis happé par cette pointe qui parcourt patiemment son sillon pour en extraire le son. Regarder un disque tourner cest apaisant, cest presque comme regarder une clepsydre, on a limpression de regarder le temps en train davancer.
A cet instant précis, je découvre le disque. Enfin, je le redécouvre. Maman avait un tourne disque, mais il était loin davoir la gueule et le son de léquipement de Florian. Quant à moi, depuis que jécoute de la musique, je nai jamais acheté de disque. Jai commencé avec des cassettes. Et je suis rapidement passé au cd. Avant de me laisser conquérir, quelques années plus tard, par le mp3.
En approchant un disque « en action », après des années où je nai pas vu tourner un seul disque, je me rends compte dà quel point cette galette en vinyle est un bel objet. Sa robe noir brillant capte la lumière et en met plein la vue. Le son quil envoie est chaud et vibrant. Et le crépitement de ses sillons rappelle dune certaine façon le crépitement du feu dans une cheminée. Cest à la fois charmant, rassurant, reposant, chaleureux et doux.
A côté de la chaîne hi-fi est installé un meuble rempli de disques, exposés sur la tranche. Et devant ces importantes archives musicales, une pochette est debout, appuyée contre lalignement de ses consurs, exposée à la vue. Cest certainement la pochette du disque qui est en train de jouer.
Limage, assez sombre, représente un beau garçon en demi-buste, de profil, la barbe dune semaine, une grande boucle en forme de croix à laplomb de son oreille. Le gars est habillé dun blouson en cuir quil soulève avec ses mains et dans lequel il semble vouloir cacher son visage. Entre les deux pans, on devine une portion de torse velu. Pas de titre dalbum, ni de nom du chanteur bogoss.
« Dis-donc, tas une sacrée collection de disques » lance Charlène à Florian, alors que la chanson se termine et un petit crépitement de fond fait la liaison avec le titre suivant.
« Et encore ils ne sont pas tous là. La musique cest mon plaisir. Je crois que je pourrais vivre sans sexe, mais jamais sans musique ».
« A ce point
».
A nouveau je me laisse happer par le disque et sa rotation perpétuelle. Et soudain le titre suivant démarre.
Des notes de piano, un air doux et un peu mélancolique. Une ambiance jazzy. Puis vient la voix. Cest une voix feutrée et pourtant bien virile, une voix de jeune mâle, comme une caresse à la fois très douce et terriblement sensuelle, une vibration qui touche des cordes sensibles, qui me touche au cur. Et en quelques secondes à peine, elle mémeut jusquaux larmes.
Vinyle vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=mwFVCLoeVDo&list=WL
Cette voix, cette vibration masculine fait dresser mes poils, jusquau cuir chevelu, elle me file une boule au ventre, et lenvie de pleurer. Je crois que je nai jamais entendu quelque chose de si beau.
Car il y a dans cette musique et dans cette voix une sensualité qui donne envie de faire des câlins, de faire lamour avec lhomme quon aime.
Comme promis, Florian nous offre des boissons et de la pastèque. Mais moi jai complètement oublié ma soif et ma fatigue, tout ce dont jai besoin à cet instant cest de silence autour de moi pour être seul avec cette voix qui me fait vibrer et avec mon Jérém avec qui jai envie de faire lamour.
La porte dentrée est restée ouverte. Les deux labradors nous ont suivis à lintérieur et se sont installés dun côté et de lautre de la chaise occupée par Florian. Ils se sont postés en position assise, la truffe à laffut du moindre petit geste de leur maître en train de découper la pastèque.
Une tranche atterrit dans les mains de Charlène, une autre dans les miennes. Florian découpe la sienne en petit morceaux et il en balance un à chaque labrador, à tour de rôle. Ces derniers gobent voracement laubaine sans même lui laisser toucher le sol.
« Ils sont doués, dis-donc » fait Charlène.
« On sentraîne tous les jours ».
Je regarde le labranoir et sa truffe de gros toutou adorable et soudain je repense à Gabin. A Stéphane. Ça fait un moment que je nai pas de leurs nouvelles. Quest-ce quils deviennent ? Est-ce que tout se passe bien pour eux ? Est-ce que Stéphane a trouvé un mec à Bâle ? Quelle belle rencontre, celle avec le garçon au labrador.
Pendant que Charlène et Loïc discutent tout en mangeant leurs tranches de pastèque, je me laisse amener de plus en plus loin par cette voix et par les couplets quelle me chuchote à loreille.
La chanson parle dun amour unique et irremplaçable. Au détour dun sillon, la beauté mélancolique des couplets est soulignée par lenvolée de la musique, par la montée en puissance de la voix :
But remember this/Mais souviens-toi de ceci
Every other kiss/Chaque autre baiser
That you ever give/Quil tarrivera de donner
Long as we both live/Tant que nous vivrons tous les deux
When you need the hand of another man/Lorsque tu auras besoin de la main d'un autre homme
One you really can surrender with/Un homme auquel tu puisses véritablement t'abandonner
I will wait for you/Je t'attendrai
Like I always do/Comme je le fais toujours
There's something there/Il y a quelque chose là-dedans
That can't compare with any other/Que je ne peux comparer à rien d'autre
Puis, la chanson sinstalle à nouveau dans la douceur, dans un duo piano-voix qui me donne des frissons.
You are far/Tu es loin
When I could have been your star/Alors que j'aurais pu être ton étoile
You listened to people/Tu écoutais des gens
Who scared you to death, and from my heart/Qui te glaçaient le sang, et du fond de mon cur
Strange that I was wrong enough/Il est étrange que je me suis trompé à ce point
To think you'd love me too/Pour croire que tu m'aimais aussi
I guess you were kissing a fool/Jimagine que tu as embrassé un idiot
You must have been kissing a fool/Tu devais embrasser un idiot
Des crépitements plus marqués déchappent des enceintes, puis le silence se fait, un silence par-dessus lequel se fait entendre un léger bruit de mécanique bien réglée, le mouvement du bras du tourne disque qui se lève et se remet seul sur son support, alors que la galette cesse de tourner.
La chanson vient tout juste de se terminer et elle résonne toujours en moi. Non, je crois vraiment que je nai rien entendu de si beau auparavant. Je crois que même sans comprendre les mots, la douceur et la mélancolie de cette voix savent parler directement au cur et transmettre une émotion incroyable.
Jen ai le souffle coupé. Jai des frissons, un nud au fond de la gorge, jai la chair de poule, les poils dressés sur les bras. Je ressens une sensation délectricité qui part dentre mes reins, remonte le long de ma colonne vertébrale, fait vibrer mes omoplates, crispe mon cou et se perd dans le bas de ma nuque. Je suis retourné comme une chaussette, comme si javais pris une claque en pleine figure. Je sens les larmes mouiller mes yeux.
Un disque a un début, un développement, et une fin. Suivis par le silence. Un silence aussi long que la flemme de celui qui écoute de se lever et aller remettre la galette à tourner, la faire démarrer depuis le début, ou choisir un morceau précis, ou pour la retourner. Jai très envie découter à nouveau ce petit chef duvre que je viens de découvrir. Et pourtant, je savoure le silence qui suit le chef duvre et qui le fait apprécier par le manque. Ne dit-on pas que le silence après du Mozart, cest toujours du Mozart ?
« Ça va Nico ? » me demande Charlène.
« Oui, ça va » je lui réponds, en essayant sans succès de cacher lémotion qui sinvite dans ma voix.
« Tas lair tout ému ».
« Cétait très très beau ».
« Elle se nomme Kissing a fool » fait Florian « et cest vrai quelle est magnifique. Je crois que la première fois que jai entendu cette chanson, jai été aussi touché que toi. Cétait il y a environ quinze ans. Ça fait plaisir de voir que la magie opère toujours, même aujourdhui, et même sur les nouvelles générations ».
« Javoue que cest une très belle chanson » confirme Charlène « au fait, cest qui le chanteur ? ».
« Cest George Michael » fait Florian, en se levant et en approchant du tourne disque.
Ah, oui, George Michael. Je me disais bien que cette voix ne métait pas inconnue, car elle est reconnaissable entre mille. Je ne connaissais pas cette chanson, en revanche, ni la couverture de lalbum.
Un instant plus tard, jentends le bruit de diamant qui ripe bruyamment sur le vinyle, suivi par quelques crépitements, avant quà nouveau des notes de piano empreintes de tristesse et de beauté, les mêmes que quelques minutes plus tôt, viennent me faire vibrer démotion.
Florian a remis le même titre.
« Merci » jai envie de lui lancer.
Clip officiel :
https://www.youtube.com/watch?v=omsBhh8vA7c
Et la voix revient, apportant avec elle le même frisson que la première fois.
Le son d'un vinyle sur une bonne chaîne hi-fi, on na encore jamais rien fait de mieux en termes d'expérience d'écoute musicale. Même le cd narrive pas à rivaliser avec la richesse et lauthenticité du son dun bon vieux vinyle. Et certainement pas avec son charme daté mais jamais démodé. Porté par la puissance et la fidélité des grandes enceintes, à nouveau cette voix, cette caresse me prend aux tripes, elle menveloppe dune sorte de douceur virile qui mémeut.
« Ah, George Michael, je me disais bien que je connaissais cette voix » se souvient Charlène « ma fille en était folle quand elle était ado, elle écoutait ses cassettes en boucle ».
« On était nombreux à en être fou à cette époque, il était juste canonissime, il était sexy à mourir ».
« Mais ce nest pas un gars pour toi ! » sexclame Charlène, dans lun de ces excès de naïveté dont elle fait preuve de temps à autre, et qui la rendent si touchante.
« Détrompe-toi, son truc ce sont plutôt les gars ».
« Tu déconnes ».
« Pas du tout. Il y a trois ans, il sest fait arrêter pour « attentat à la pudeur » dans des chiottes à Los Angeles. Cest ce qui la à faire son coming out. Il la fait par le biais dune chanson nommée « Outside », dans lequel il vante les plaisirs du sexe en plein air ».
« Alors, ça, un gars avec une voix pareille, tu men bouches un coin ».
« Il y a des gays qui des voix sexy, tu sais. Et lui, il a une voix trèèèèès sexy. Ecoute, écoute, écoute ! Ferme les yeux et écoute. Tu te laisses transporter, et tas limpression que cest à toi et à toi seul quil chuchote à loreille ».
Je fais lexpérience suggérée par Florian, je ferme les yeux et je me concentre sur la voix. Et jai effectivement l'impression que le beau George est penché sur mon oreille et qu'il me prend dans ses bras chauds et rassurants. Comme Jérém après la pause déjeuner tout à lheure.
Jai tellement envie dêtre dans les bras de mon mec. Jai envie de lembrasser, de danser avec lui sur cette musique, sur cette voix, danser serrés lun contre lautre, et ne plus jamais se quitter. Cette musique, cette voix donnent envie de dire des mots doux à la personne quon aime.
« Cette voix me fait un effet de fou » lâche Florian.
« Moi aussi » jajoute à mon tour.
« Cest parce que vous vous ressemblez tous les deux ».
Florian me sourit. Je crois quil a bien capté le sens à peine voilé des mots de Charlène.
« Quand on pense quil navait que vingt ans quand il a chanté ça » il explique.
Vingt ans. Que vingt ans ! Un petit mec de vingt ans capable de graver une telle émotion dans le sillon, ça a tout mon respect.
« Cest pas lui qui a fait une chanson qui sappelle Faith ? » se souvient Charlène.
« Oui, oui, cest bien lui. A lépoque, le clip passait en boucle sur MTV, lui et son jeans mettant en valeur son beau cul, lui et son blouson en cuir sur débardeur blanc, lui et ses chaussures pointues, ses grandes lunettes de soleil, sa grande boucle doreille en forme de croix, sa guitare, ses déhanchements sexy. Lui, beau comme un Dieu !
Et il a fait un autre clip très sexy, I want your sex. A un moment, on le voyait torse nu au lit avec une nana. Il était sexy à un point inconcevable. Je pense quavec ces deux clips, il a inspiré un nombre difficilement quantifiable de plaisirs solitaires autour de la planète ».
« Ooooohhhh !!!! » feint de soffusquer Charlène.
« Pendant lété 87 » continue Florian « javais 17 ans et jétais en vacances à Port Leucate avec ma cousine. Nous étions en train de refaire le monde et de mater les beaux mecs sur la plage, tranquillement allongés sur nos serviettes. Un gars sétait pointé et avait allongé sa serviette pas très loin de nous. Le mec était seul et il était beau comme un dieu. Il devait avoir quelques années de plus que moi, peut-être 20-22 ans, et je me souviens que sa démarche et son attitude dégageaient une assurance qui mimpressionnait. Il était brun, il avait une belle gueule, la peau mate. Il avait un short rouge et des grandes lunettes de soleil. Et il était torse poil ».
« Dis donc, tu as de la mémoire » sétonne Charlène.
« Une mémoire très sélective. Je noublie jamais un bogoss. Et lui, il était vraiment bogoss. Il était bien gaulé, il avait un torse en V, des pecs saillants et des beaux abdos. Et sur toute la hauteur de ces abdos, il y avait une inscription, sur deux lignes, tracée en lettres capitales bien épaisses. Ce nétait pas un tatouage, ça avait lair davoir été dessiné, au Stabilo noir ou au stylo. Cette inscription disait :
I WANT
YOUR SEX
« La dégaine de ce gars, beau et sexy comme pas possible, portant sans pudeur cette inscription évoquant sa sexualité, lair fier de son corps et de sa virilité, était pour moi, ado, comme un appel sauvage au sexe. Je crois que jai bandé sur le champ, que jai eu envie de lui comme daucun gars auparavant. Cétait vraiment violent. Tout en lui semblait évoquer une sexualité bouillonnante, cétait comme un truc invisible qui se dégageait de sa simple présence et qui métouffait.
Evidemment, il ne ma pas décroché un seul regard.
Je me suis demandé qui avait pu faire cette inscription sur ses abdos. Car elle avait dû certainement prendre pas mal de temps, et elle était trop nette, il navait pas pu se la faire tout seul. Est-ce que cétait luvre dune nana particulièrement enthousiaste de ses prestations sexuelles ? Et si cétait le cas, quel bonheur sensuel et sexuel avait bien pu pousser cette nana à écrire cela après l'amour, à vouloir à ce point flatter lego du beau mec ? Quelles caresses, quels plaisirs avait connu ce gars autour de cette inscription ?
Je crois que cest la première fois où jai violemment fantasmé sur la sexualité dun mec, un mec complètement inaccessible et dont la simple vision me vrillait les tripes.
Avec qui il baisait, qui était celle qui avait la chance de le faire jouir, de le voir jouir ? Avait-il une copine attitrée ou des copines dun soir pour égayer les nuits dété et de vacances ? A quand remontait la dernière fois où il avait joui ? Comment se comportait-il au pieu, comment prenait-il son plaisir de mec, à quoi ressemblait sa belle petite gueule pendant l'orgasme ?
Bref, cétait la première fois que la sexualité et le plaisir dun beau gars métait envoyée à la figure dune façon si directe, presque violente, et par conséquent la première fois où je me suis posé les questions que depuis me hantent à chaque fois que je croise un beau mec.
Avant ce jour jétais un gars très timide, introverti, un gars qui se cherchait, qui ne voulait pas voir lévidence, mon attirance pour les gars. Je crois que cet épisode a marqué mon éveil à la beauté masculine et à la sensualité. Ce que jai ressenti ce jour-là était trop violent pour que je puisse lignorer. La sensualité de ce gars ma mis face à moi-même. Alors, dune certaine façon, cest un peu grâce à George Michael que jai commencé à accepter mon orientation sexuelle ».
« Ça doit être violent, en étant adolescent, de réaliser quon nest pas comme la plupart des copains, quon est attiré par des gars qui souvent ne sont attirés que par les nanas » considère Charlène.
« Je ne te le fais pas dire » fait Florian, songeur.
« Je ne te le fais pas dire » je lâche, comme un cri du cur.
Nos voix se superposent, ce qui provoque lhilarité de Charlène.
Définitivement, jaime bien ce Florian. Je me reconnais en lui, dans ses ressentis, dans ses fantasmes, ses désirs, ses peurs, dans sa façon de découvrir ses penchants, ses attirances, dans ses frissons face aux bombasses mâles. Et aussi dans cet épisode de léblouissement face à la bogossitude extrême, comme ça a été le cas le premier jour du lycée en voyant Jérém, qui a été comme une révélation, et qui a provoqué le déclic, le début de prise de conscience de lirrépressibilité de cette attirance et de sa légitimité. Lui aussi, comme moi, a dû se dire : « si regarder un gars me donne autant de frissons, ça ne peut pas être une mauvaise chose. En tout cas, ça ne lest pas pour moi. Pourquoi jessaierais de mopposer à cette attirance ? Je nai pas à le faire, je ne veux pas le faire. Car elle me fait être en phase avec moi-même, car elle me rend heureux ».
Je me reconnais également en Florian dans le fait davoir une cousine qui a certainement dû être sa confidente comme Elodie lest pour moi, davoir été à la plage avec elle, à quelques dizaines de bornes à peine de notre plage à nous, celle de Gruissan.
« Kissing a fool » se termine pour la deuxième fois et jen redemande. Pendant quelques secondes, le crépitement du vinyle se charge de combler le vide laissé par la musique, avant que le bras du tourne disque ne revienne en position de repos.
Florian me jette un regard, me sourit. Et sans attendre, il se lève, et remet la même chanson pour la troisième fois.
https://www.youtube.com/watch?v=mwFVCLoeVDo&list=WL
« Comment tu vas, sinon ? » lui demande Charlène lorsquil revient sasseoir près de nous.
« Pas trop mal ».
« Tu y penses toujours ? ».
« Comment ça pourrait en être autrement, après douze ans de vie ensemble ? ».
« Tu ne lui parles toujours pas ? ».
Florian marque une pause. Il me jette un regard, et il semble réaliser quil nest pas seul à seul avec Charlène, qui à lévidence doit être sa confidente. Mais un instant plus tard, après avoir pris une bonne inspiration, ses réticences semblent sévaporer. Comme sil me faisait confiance, comme si le fait que « quon se ressemble » le mettait à laise.
« Non, je ne lui parle pas ».
« Tu lui en veux toujours ? ».
« Je lui en ai voulu de mavoir quitté, mais je crois que ce nest même plus le cas. Aujourdhui, jai juste envie de garder de la distance. Et, surtout, pas envie dentendre parler de sa super nouvelle vie avec lautre machin ».
« Tu sais, cest pas non plus la joie tous les jours
».
« Ah bah, jespère bien ! Ils ont voulu se « marier », alors, bon divorce ! ».
« Tes mauvais ! ».
« Je pense que je lui reparlerai quand il se sera fait larguer par son pouffiau ».
« Son quoi ? ».
« Pouffiasse, nom féminin, pouffiau, déclinaison au masculin ».
« Jai pigé ! » elle se marre.
« En vrai, ce qui me guérirait, ce serait quil assume sa part de responsabilité dans la fin de notre histoire, alors quil a toujours soutenu dur comme fer que tout était de ma faute ».
« Tu sais, quand lamour nest plus là, tout est prétexte et mauvaise foi ».
« Mais tout ça, ça na plus grande importance. Tout ce que je veux, cest ne rien savoir. Je voudrais même oublier quils existent. Celui qui quitte devrait avoir la décence de partir loin et de ne plus donner des nouvelles jusquà ce quon lui en redemande, éventuellement, un jour ».
« Texagères ».
« Je ny peux rien, leur bonheur me hérisse le poil ».
« Tu ne devrais pas garder cette rancur en toi ».
« Notre séparation a duré trop longtemps, ça ma usé ».
« Je te lavais dit quil fallait lâcher prise ».
« Je sais, mais je nétais pas prêt ».
Pendant ce temps, le disque continue de tourner et denvoyer les couplets de cette magnifique chanson.
People/Les gens
You can never change the way they feel/Tu ne peux jamais changer leurs sentiments
Better let them do just what they will/Il vaut mieux de les laisser faire ce qu'ils veulent
For they will/Parce qu'ils le feront,
If you let them/Si tu les laisses
Steal your heart from you/Te voler ton cur
« Tu sais, tu nes pas le seul à avoir connu une séparation difficile » continue Charlène « regarde à lABCR, depuis 10 ans, les trois quarts des couples ont explosé. Nadine, Martine, Satine, Emelyne. Quand lamour finit, il ny a pas de fautif. Cest comme ça, cest la vie ».
« Parfois, jai limpression que cette séparation a brisé quelque chose en moi. Ma capacité à faire confiance, à tomber amoureux à nouveau. Et jai limpression que ce « quelque chose » personne ne me la rendra, jamais ».
You are far/Tu es loin
I'm never gonna be your star/Je ne serai jamais ton étoile
I'll pick up the pieces/Je ramasserai les morceaux
And mend my heart/Et réparerai mon cur
Maybe I'll be strong enough/Peut-être serai-je assez fort
I don't know where to start/Je ne sais pas par où commencer
« Je ne crois pas que notre capacité à être amoureux s'émousse avec le temps ou les déceptions » considère Charlène « je pense juste que les premières fois on se laisse transporter par ce sentiment qui est nouveau pour nous et qu'on ne cherche pas à maîtriser, car cest tellement agréable.
Après une rupture, on est plus prudents, on réfléchit deux fois avant de se donner tête et corps perdus dans une relation. On se protège. Parfois trop.
Je sais que cest difficile, parce que ce n'est pas toi qui as fait ce choix de rupture, mais tu dois arriver à tourner la page ».
« Accepter de tourner la page, cest accepter le fait que toute lénergie que jai mis dans mon couple dès le départ, jusquaux efforts déraisonnables pour le sauver quand il était déjà foutu, ça na servi à rien. A part à me faire quitter pour quelquun dautre ».
« Après une rupture, on peut avoir le cur comme « asséché », mais pas de façon irréversible » continue Charlène « le tout est de savoir réapprendre à recevoir de lautre et à faire confiance pour le réhydrater. Et puis l'amour ne nous arrive pas toujours tout ficelé, il est parfois en kit et demande de la patience, ne serait-ce que pour décrypter la notice de montage ».
« Cette maison, cette ferme pleines de souvenirs ne maident pas à aller de lavant ».
« Ça je le comprends ».
« Et à chaque fois que je passe devant la boutique de chaussures de machin à Bagnères, jai envie de balancer un pavé dans la vitrine et un autre dans sa tronche ».
« Cest pas à lui quil faut en vouloir, cest Loïc qui la laissé rentrer dans sa vie ».
« Je sais, je sais. Au fond, je crois que je ne veux pas de mal à Sylvain ni même à Loïc ».
« Je crois quil aimerait retrouver une relation apaisée avec toi ».
« Une relation apaisée ? Jy arriverai peut-être un jour, mais pour linstant, je ne peux pas. Je ne supporte pas de sentir son regard « amical » à la place du regard amoureux que je lui ai connu pendant douze ans. Je ne peux pas supporter ses derniers messages, finissant par « Bises » alors quil y avait eu tant de « Bisous » enflammés par le passé.
Après avoir vu de lamour et de ladmiration dans son regard, cest très dur de ne retrouver que de la distance. Cest horrible de réaliser un jour que celui à qui on manquait « avant » se sent désormais en cage lorsquil est à côté de soi, car cest désormais quelquun dautre qui lui manque et qui fait battre son cur amoureux ».
« Je comprends parfaitement. Mais tu sais, je crois que malgré tout, tu as toujours une place spéciale dans son cur, et que tu lauras à tout jamais ».
But remember this/Mais souviens-toi de ceci
Every other kiss/Chaque autre baiser
That you ever give/Que tu pourras donner
Long as we both live/Tant que nous vivrons tous les deux
When you need the hand of another man/Lorsque tu auras besoin de la main d'un autre homme
One you really can surrender with/Un homme auquel tu puisses véritablement t'abandonner
I will wait for you/Je t'attendrai
Like I always do/Comme je le fais toujours
There's something there/Il y a quelque chose là-dedans
That can't compare with any other/Que je ne peux comparer à rien d'autre
« Moi aussi je pense souvent à lui. Jespère quil va bien, même loin de moi. Je me demande comment il va, quels sont aujourdhui ses rêves, ses bonheurs, ses peurs, ses angoisses. Je me demande si ça lui arrive de penser à moi, de se demander comment je vais. Je me demande sil se souvient de nos moments heureux, sil a de la nostalgie. Je me demande si ça lui arrive de se dire que les choses auraient pu se passer autrement, que tous les deux on aurait pu faire en sorte quelles se passent autrement ».
« Quand je técoute, jai limpression quune partie de toi séchine à vouloir prouver que ce qui a échoué aurait dû réussir ».
« Cest peut-être de la fierté mal placée ».
« On peut appeler ça comme ça, mais moi je dirais que cest surtout un besoin de déculpabilisation. Je conçois que la fin de cette histoire soit encore pour toi un dossier obsédant. Parce qu'il y a des choses que tu n'as pas acceptées, lorsqu'elles t'apparaissaient trop injustes.
Mais il faut à un moment savoir lâcher prise, renoncer à tout comprendre, à tout analyser, sans quoi on continue son chemin comme quelqu'un qui conduirait un véhicule sans en desserrer le frein à main.
On ne peut pas effacer le passé, et heureusement, car on doit apprendre de tout, y compris de ses propres échecs et de ce qui nous a fait souffrir. Mais il ne faut jamais lui laisser te voler ton avenir.
Il ne faut pas laisser la peur et la rancur nous empêcher de saisir le bonheur quand il vient sonner à notre porte. Car il ne passe pas tous les jours ».
Strange that I was wrong enough/Il est étrange que je me sois trompé à ce point
To think you'd love me too/Pour croire que tu m'aimais aussi
I guess you were kissing a fool/Jimagine que tu as embrassé un idiot
You must have been kissing a fool/Tu devais embrasser un idiot
Le disque tourne une nouvelle fois dans le vide. Florian se lève à nouveau et sapproche de la platine. Pendant un instant, je me demande sil va remettre une nouvelle fois cette magnifique chanson, la dernière du disque. Mais il semble avoir dautres intentions. Il saisit la galette avec soin, et il la glisse dans sa sous pochette en papier, puis dans la pochette cartonnée. Il glisse le tout à un endroit choisi dans lalignement de vinyles.
Définitivement, le disque impose des temps, des attitudes, des gestes. Avant dextraire la musique emprisonnée dans ses sillons, il demande tout un rituel qui fait la solennité de lécoute à venir. Avant dentendre la moindre note, le moindre crépitement, il faut sortir le disque de la pochette cartonnée, puis de la pochette de protection en papier ou nylon. Avant découter la musique, on écoute le bruit du papier qui frotte contre le carton, puis celui du vinyle qui glisse contre le papier. Dune certaine façon, le disque commence à jouer alors quil nest même pas encore sur la platine.
Aussi, le disque est fragile, si on veut le garder en bon état, il faut en prendre soin. Il faut lattr sur les bords, pour ne pas salir ou endommager les sillons. Il faut le poser délicatement sur la platine, tout en profitant pour apprécier le visuel du macaron comportant le nom de lartiste et le liste des titres de la face visible. Il faut saisir le crochet du bras, décaler ce dernier pour que le disque commence à tourner, poser délicatement le diamant sur le vinyle, viser le sillon avec précisions pour ne rien endommager, pour choisir le morceau quon désire écouter. Le disque impose des règles et les règles imposent le respect.
Et le disque que Florian vient de choisir, je ne le connais que très bien. Ce disque est un monument de la pop des années 80. Lorsque je vois la couverture, je me sens chez moi.
Regard captivant, maquillage relevé, robe de poupée, suggestive, ceinture avec mention « Boy Toy ». Définitivement, Florian et moi nous nous ressemblons à plus dun titre.
Le disque est sur la platine, il commence à tourner, le diamant se pose dans un sillon dans un bruit de craie qui ripe sur une ardoise, avant de capter le crépitement entre deux chansons.
https://www.youtube.com/watch?v=G4iFot0ZMb0
Un instant plus tard, lintro reconnaissable entre mille parvient à mes oreilles avec la qualité inégalée du son venant dun disque joué par un bon équipement hi-fi.
Et sa voix arrive enfin. Une voix fragile et puissante à la fois.
You abandoned me/Tu m'as abandonné
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
Just a vacancy/Juste un vide
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
Jai de plus en plus destime pour ce Florian. Car un gars qui écoute du Madonna ne peut être quun bon gars.
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
Just emptiness and memories/Juste le vide et les souvenirs
Of what we had before/De ce que nous avions avant
You went away/Tu es parti
Found another place to stay, another home/Trouver un autre endroit où rester, une autre maison
« Moi aussi jadore Madonna » je ne peux mempêcher de lâcher.
« Elle est pour moi cette voix qui, même dans les jours les plus sombres, sait allumer une lueur despoir ».
« Cest très juste » je commente.
« Sa voix me fait du bien ».
« Cest exactement ça ».
« Je lai découverte avec Holiday et je ne lai jamais lâchée. Et elle na jamais lâché. Elle a toujours été là, quand jai été heureux, quand jai été triste ».
« Moi je lai découverte à lépoque de « Secret »
».
« Tu es un petit jeune
» il se moque gentiment.
« Mais elle ma bien accompagné aussi ».
« Même dans 20 ans, même si elle se mettait à chanter lannuaire téléphonique en chinois, en roumain ou en portugais, je lécouterai toujours »
« Je suis allé la voir cet été à Londres ».
« À Londres ? Alors, ça
jy étais aussi ! ».
« On a failli se croiser alors ».
« Allez, je vais vous laisser faire lapologie de Madonna, moi je vais voir où il en est avec cette ferrure » fait Charlène.
Elle vient tout juste de franchir le seuil de la maison, lorsque Florian change brusquement de sujet et me lance à brûle pourpoint :
« Veinard, va ! ».
« De quoi ? ».
« Comment ça, de quoi ? » je tombe des nues, pris au dépourvu.
« Quest-ce quil est beau ton mec ! ».
« Ah
» je réalise enfin.
« Toi aussi tes mignon, mais lui cest une pure bombasse ! Ce mec dégage un truc très très sensuel. Il a un regard charmeur. Et il est gaulé comme un dieu ! ».
« Il fait du rugby ».
« Oh, là, là ! Moi je trouve que plus ça va, plus la beauté masculine senvole vers des sommets hallucinants. Je trouve que les bogoss sont de plus en plus beaux et de mieux en mieux foutus. Certes, ils savent se mettre en valeur, niveau brushing et niveau vestimentaire, beaucoup plus quil y a dix-quinze ans. On dirait quils sont de plus en plus conscients du fait quils sont sexy, et quils aiment en mettre plein la vue de façon complètement décomplexée.
Mais je trouve vraiment que le bogoss est une espèce en constante évolution, dont la vision me paraît sans cesse plus brûlante, plus incandescente, insoutenable. Et cette évolution est parfaitement à mon goût. Même si le fait que les bogoss soient plus nombreux ne les rend pas plus accessibles pour autant. Enfin, je parle pour moi, parce que toi tas décroché le gros lot ».
« Ca na pas toujours été une partie de plaisir ».
« Jimagine. Mais vous avez quel âge, tous les deux ? ».
« Moi dix-huit, bientôt dix-neuf. Jérém a un an de plus que moi, il va avoir vingt ans ».
« Tu déconnes ! ».
« Non ».
« Vingt ans, putain ! Même pas vingt ans et il fait tellement mec ! Je lui aurais facilement donné cinq ans de plus ».
« Il est vraiment canon, cest vrai ».
« Tu laimes, hein ? ».
« Je suis fou de lui ».
« Alors, il faut te battre pour le garder ».
« Ça va être simple, il va très bientôt partir à Paris pour jouer au rugby en pro ».
« Oh là
».
« Comme vous le dites
».
« Tu vas me tutoyer, et vite fait ! » il me taquine.
« Ok, cest noté ! ».
« Si je peux te donner un conseil
».
« Vous
tu peux ».
« Accroche-toi, mais ne te laisse pas marcher sur les pieds. Ne cesse jamais de lui montrer que tu laimes, mais naccepte pas tout par amour. Et noublie jamais que lamour de lautre nest jamais acquis et que pour que la flamme dure, il faut lalimenter un peu chaque jour.
Et si un jour vous emménagez ensemble, rappelle-toi quune vie de couple est faite de bonheurs, mais aussi de concessions, parfois de déceptions, et dune bonne dose dindulgence.
Même si tu es fou de lui et que tu as envie de tout partager avec lui, garde toujours un petit coin rien que pour toi, un petit jardin secret. Garde des amis, garde tes passions, car si un jour lamour devient souffrance, tu auras toujours quelque chose auquel taccrocher pour ne pas sombrer, en attendant de retrouver la force de rebondir et aller à nouveau de lavant ».
You abandoned me/Tu m'as abandonné
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
Just a vacancy/Juste un vide
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
Le titre se termine, le bras du tourne disque se lève et se remet une nouvelle fois à sa place, avec ce bruit caractéristique si apaisant.
Les mots de Florian me touchent beaucoup. Jai envie de passer des heures à discuter avec lui, en tête à tête, ça fait du bien de croiser une sensibilité aussi proche de la mienne.
Mais déjà Charlène revient. Et elle est accompagnée de mon bobrun, en nage. Florian lui propose une bière et Jérém la boit directement à la canette. Le t-shirt gris trempé de transpi, la pomme dAdam sagitant nerveusement au gré de la déglutition sous sa peau mate, moite, portant une barbe de plusieurs jours : on dirait une pub pour une célèbre marque de soda. Je ne peux décrocher les yeux de lui, et Florian non plus.
« Alors, cet étalon ? » finit par demander ce dernier.
« Le clou la blessé, il va avoir besoin de repos et de soins ».
« Je vais men occuper » assure Charlène.
« En attendant, je vais terminer la balade à pied » fait Jérém.
« On va y aller alors ».
« Merci » fait mon bobrun à lintention de Florian.
« De rien, de rien » fait ce dernier, an mettant une petite tape amicale sur lépaule de mon bobrun.
« Oui, merci » lance Charlène à son tour « ça ma fait plaisir de te revoir ».
« A moi aussi. Je suis désolé de ne pas avoir donné de nouvelles pendant tout ce temps, mais javais besoin de prendre du recul. Javais besoin déviter tout ce qui me renvoyait à ma vie passée ».
« Jai bien compris, et tous les autre cavaliers lont compris aussi. Il y avait des jours où javais envie de prendre de tes nouvelles, mais je me suis e à respecter ton besoin de prendre de la distance. Il faudra quon se fasse une bouffe lun de ces quatre, je tinviterai avec JP, Carine, Ginette, Martine
».
« Avec plaisir » fait Florian, visiblement touché « jai hâte de les revoir. Je sais que nous sommes le genre damis qui se retrouvent un jour comme sils sétaient quittés la veille, même sils se sont quittés des années plus tôt ».
« Cest bien vrai, ça. En tout cas, je te trouve bien mieux quil y a deux ans. Et ça me fait plaisir de voir que tu vas mieux ».
« Jy travaille ».
« Le temps sera ton allié, crois-moi ».
Charlène et moi remontons à cheval, tandis que Jérém prend le sien en longe. Et pendant que nous nous éloignons de la maison aux volets bleus, et alors que Gaston et Illan nous escortent le long des clôtures, une musique et une voix familières nous rattnt :
You abandoned me/Tu m'as abandonné
Love don't live here anymore/L'amour ne vit plus ici
A cet instant précis, je me fais la réflexion que lamour a beau être parti, tant de choses lui survivent, et parfois longtemps : la colère, lamertume, le sentiment dinjustice, dhumiliation, les regrets, les remords, la nostalgie, la mélancolie.
En méloignant de la ferme, je narrive pas à cesser de penser au récit ce Florian, à son parcours. La petite complicité qui sest créé entre nous deux alors que Charlène était sortie voir mon bobrun me fait chaud au cur. Oui, tous les deux on se ressemble. Pourvu que nos destins sentimentaux ne se ressemblent pas trop.
« Alors, comment avez-vous trouvé Florian ? ».
« Je lai trouvé très gentil ».
« Il a été sympa » fait Jérém.
« Jespère quil va retrouver un gars qui saura le rendre heureux » fait Charlène, avant de continuer « et vous deux, faites attention lun à lautre, ne vous perdez pas, ne gâchez pas cette chance inouïe que vous avec eu de vous rencontrer ».
Ni Jérém ni moi ne trouvons les mots pour lui répondre. Mais nos regards se croisent pendant un instant fugace, et notre entente est merveilleuse.
Nous marchons en silence pendant un long moment. Au bout dune heure, Charlène propose à Jérém de le remplacer à terre pour accompagner Unico.
« Mais ça va pas, avec ton genou en vrac ? ».
Je lui propose à mon tour, mais le bobrun décline également ma proposition.
Je le regarde, les cheveux bruns en bataille, la barbe de plusieurs jours, le pull à capuche et le pantalon déquitation marqués par des traces de boue, de végétation, danimal. Et je me dis que, loin du Jérém petit con soigné de la ville, le Jérém nature à la campagne me fait, si possible, encore plus deffet.
Une autre bonne heure plus tard, alors que nous approchons du centre équestre, Charlène me lance :
« Moi je dis que tas bien tenu le coup, Nico. La balade était longue, et avec quelques difficultés. Vraiment, je te félicite ».
Les mots de cette pro du cheval me font chaud au cur. Mais ils sont loin de me toucher autant que ceux que mon bobrun va menvoyer dans la foulée.
« Pour un gars qui na jamais monté, tu as une très bonne position à cheval, tu te tiens bien droit, un peu en arrière, tu as les talons vers le bas et les rênes assez souples. Je prends du plaisir à monter avec toi ».
« Cest pas ce que tu disais hier » je le cherche.
« Jai changé davis
car tu progresses à vue dil ».
« Moi aussi jadore faire du cheval avec toi ».
« Jaime bien parce que tu en veux, et tu ne te laisses jamais décourager ».
Une nouvelle fois je me sens bien dans son regard, je me sens apprécié. Je commence à mhabi à ce regard bienveillant, et je me dis quil va terriblement me manquer quand nous serons loin lun de lautre.
Aussi, jai limpression que ses mots recèlent un petit sous-entendu très agréable à mes oreilles. Jai limpression que dans ses intentions, ce nest pas que du cheval dont « jen veux », mais aussi de notre relation, malgré toutes les difficultés passées, et celles à venir.
« Et moi je nexiste pas » se moque Charlène.
« Si, on tadore » lâche Jérém.
« Tu mas donné de bons conseils ce matin » je lui lance.
« Vous êtes si mignons tous les deux ».
En arrivant au centre équestre, nous trouvons un petit comité daccueil inattendu. JP et Carine, ainsi que Ginette, accompagnée par un petit bonhomme qui doit être son mari, sont en train de desseller leurs montures.
« Vous êtes parti en balade, vous aussi ? » fait Charlène.
« Tu nétais pas là, alors on sest fait un petit tour, seuls comme des grands » fait Ginette.
« Vous avec largement atteint lâge pour vous dispenser de permission de sortie ».
« Dit la pucelle » fait JP.
« Nous on a fait la grande boucle par la forêt » fait Charlène après une bonne tranche de rigolade.
« Tas fait toute la boucle ? » sétonne Carine à mon intention.
« Oui
».
« Cest quil prend goût au cheval, le Nico ! » fait JP.
« Il se débrouille comme un chef » lâche Jérém.
Entouré par la bienveillance de ces gens que je considère désormais comme des véritables amis, touché par lattitude adorable de mon bobrun, mon bonheur est total.
« Eh, les amis » fait JP « et si on se faisait une bonne bouffe ce soir, tous ensemble ? ».
« Mais quelle riche idée » fait Charlène « restez manger à la maison ».
« Comme ça on peut profiter un peu plus du champion avant quil se casse à Paris » assure JP « et de Nico, avant quil se casse à Bordeaux ».
« Et si on invitait Florian aussi ? » propose Charlène.
« Ca cest une très bonne idée » délibère le sage JP.
Prochain épisode vers le 15 octobre.
NOUVEAU !
Pour ceux qui voudraient acheter le livre Jérém&Nico ou contribuer au financement de lécriture de cette histoire sans avoir à rentrer ses propres données sur tipeee, il est désormais possible denvoyer des contributions via PAYPAL, directement à ladresse mail : fabien75fabien@yahoo.fr.
Lenvoi est sécurisé et SANS frais. Merci denvoyer un petit mail à la même adresse pour mindiquer vos coordonnées pour lenvoi du livre papier ou du livre epub. Et pour que je puisse vous dire merci.
Merci davance !
Fabien
BONUS
Bonus 1 : George Michael
Faith
https://www.youtube.com/watch?v=6Cs3Pvmmv0E
I want your sex
https://www.youtube.com/watch?v=r3AP26ywQsQ
Praying for time
https://www.youtube.com/watch?v=12mZ6qVmlBI
Jesus to a
Chanson écrite en mémoire dAnselmo, celui qui a été lamour de sa vie, décédé du SIDA.
https://www.youtube.com/watch?v=zNBj4EV_hAo
Bonus 2 : le disque.
Le disque est un objet fascinant. Il est élégant, distingué, sa robe noire nest jamais démodée. Ses sillons brillants captent la lumière et la visualisent sous la forme dun faisceau de lumière radiale frémissant au gré de sa rotation.
Un disque a un poids, une envergure, une présence, une fragilité. Un disque, ça a de la gueule. Un disque impose le respect.
Autour du disque, il y a une poésie, le récit dune époque, une façon dêtre. Le disque raconte une histoire, celle du temps qui passe. Le disque commence, avance et a une fin, comme toutes les bonnes choses, comme la vie elle-même.
Le disque a un son qui lui est propre, chaud, rassurant.
Cest peut-être grâce à son charme particulier que malgré les évolutions techniques, et même à lépoque du tout numérique, le disque na jamais été complètement abandonné et quil compte toujours des aficionados.
Le numérique, notamment par le biais du streaming, a amené labondance, la diffusion la plus large et la plus accessible qui soit. Il a amené la démocratisation des contenus, il a porté la facilité découte à son paroxysme. Mais il a ôté une partie de la magie de lécoute de la musique.
Quand celle-ci était plus rare, plus difficile à obtenir, car liée à un objet physique, elle était davantage respectée. Labondance et la facilité daccès amènent à une sorte de dévalorisation. Tout ce qui est facile à obtenir a moins de valeur que ce qui doit être gagné.
L« effort » de se déplacer pour aller acheter le disque dans un magasin, nétait que le début dun rituel quil fallait à chaque fois accomplir avant découter une chanson quon aimait au point de nous pousser à dépenser de largent et du temps pour pouvoir lavoir chez nous.
A lépoque du disque, la musique était plus rare, moins disponible, elle sécoutait dans la séquence prévue par lauteur. Pour faire une playlist, on devait simproviser DJ. Et, dune certaine manière, elle avait davantage de valeur.
Depuis lévènement du tout numérique, la musique na plus de support, et elle ne demande plus aucun effort pour venir à nos oreilles. Quelques clics suffisent pour avoir cinquante millions de titres dans ses oreilles, nimporte où, nimporte quand.
Le manque de support et deffort nécessaire pour écouter de la musique à lère du numérique rend lécoute éphémère.
Le disque, cest autre chose. Un disque existe, il a une taille, une envergure qui nous rappelle sa présence. On ne range pas un disque nimporte où, mais souvent dans un séjour ou dans une chambre, sur une étagère, sous notre regard. Sa présence nous invite à lécouter. Alors quun fichier caché dans un serveur lointain se fait oublier beaucoup plus facilement.
Un disque pouvait être un cadeau rappelant notre amitié ou notre amour pendant de longues années. Parfois il survivait à lune et à lautre. Va donc offrir un fichier en streaming pour rappeler lamour et lamitié
Un disque cest grand, il faut le manipuler. Et on simprègne de sa présence. Avec le disque, on « touche » la musique, car elle a un support qui la transforme en objet, qui la rend plus réelle, plus précieuse.
Lorsquon touche un disque après des années, on peut se souvenir du jour où il est rentré en notre possession, par lachat, ou en tant que cadeau. On peut se souvenir de qui on était au moment où il est rentré dans notre vie, un disque peut nous ramener des années et des années en arrière.
Un disque est un vrai support pour le souvenir, un objet de collection qui nous replonge dans linstant où il est arrivé dans notre vie.
Un vinyle qui tourne, ça a quelque chose de chaleureux, dapaisant, de solennel, de précieux. Un charme qui est aussi dans ses imperfections, dans sa fragilité.
Car un disque peut sabimer. Il craint la poussière, lhumidité, les rayures. Un disque demande à être extrait de sa pochette avec soin, et à nouveau rangé après lécoute avec le même soin, si on veut le préserver.
Un disque peut carrément casser lors dune mauvaise chute. Au fil du temps, ses crépitements peuvent se faire sentir de plus en plus marqués sur la musique. Un disque peut sauter un sillon, se mettre en boucle. Et parfois il peut se ressaisir tout seul et se remettre à avancer. Et se remettre une nouvelle fois en boucle, sans fin. Autant de petits défauts amenés par le temps, comme autant de cicatrices, comme des rides, les signes de lâge. Un disque cest « vivant ». Un vinyle, ça possède un « âme ».
Aussi, le disque avait une pochette, une grande pochette avec de belles photos, une pochette quon pouvait toucher, dont on pouvait sentir lodeur, sur laquelle on pouvait écrire, un prénom, une date, un mot damitié ou damour, un souvenir.
Une pochette quil fallait manipuler avec prudence, dont il fallait prendre soin pour ne pas labîmer, envers laquelle il y avait de laffectif, un sorte dattachement. Malgré les efforts, la pochette de disque finissait par se tacher, elle sabîmait à force de frotter contre dautres pochettes. Au fil des années, le papier prenait lodeur du temps. La pochette vieillissait aussi, car elle était « vivante » aussi.
A lépoque du numérique quel support physique pour le souvenir ?
Le streaming est éphémère, le disque est matière.
Mais à quoi bon toute cette matière ?
Jai tant de disques, de cd, de cassettes et de livres chez moi : quen sera-t-il de toute cette collection qui compte tant pour moi, le jour où je ne serai plus ?
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